ETAT D’URGENCE SANITAIRE
Macron fait-il la guerre au coronavirus ou aux salarié.e.s ?
Cette crise sanitaire majeure met cruellement à nu la grande désorganisation de l’État.
Alors que la France, 6ème puissance économique mondiale, devrait être en situation de lever une « armée » de volontaires et des tonnes de matériels pour aller prêter main forte aux populations les plus exposées dans les pays les plus pauvres, le gouvernement et ses « Généraux » de pacotilles courent jusqu’en Chine, après des masques, des gants, du gel désinfectant…
Nous mesurons pleinement aujourd’hui les conséquences de trente années d’affaiblissement programmé de l’industrie, de l’État et des services publics : une gestion de crise totalement improvisée et cacophonique, des hôpitaux débordés, sous dotés, manquant de matériel de base, des salarié.e.s, y compris les plus exposé.e.s comme les soignant.e.s, sans protection suffisante plus de 3 semaines après le début du confinement, une soi-disant continuité pédagogique qui nécessairement creuse les inégalités scolaires jusque et y compris l’ attribution des diplômes en contrôle continu…
Pire encore, en demandant aux salarié.e.s des secteurs d’activités non indispensables d’aller travailler, et en menaçant de sanction les inspecteur.trice.s du travail qui suggèrent aux entreprises de cesser leur activité quand elles ne peuvent garantir les conditions sanitaires à leurs salarié.e.s, le gouvernement favorise la
propagation du virus et met en danger de nombreuses vies humaines !
La loi d’état d’urgence sanitaire adoptée le 23 mars et les 25 ordonnances qui l’accompagnent, contiennent une somme impressionnante de mesures coercitives, tant pour le code du travail et les droits des salarié.e.s que dans le domaine des libertés individuelles : remise en cause des congés payés, des RTT, du temps de
travail, du temps de repos hebdomadaire… mais aussi des mesures liberticides et autoritaires : durcissement des conditions de déplacement, mise en place de couvre-feux, renforcement des sanctions…
Pour ce gouvernement, tout se passe comme s’il ne fallait confiner que les loisirs, la vie démocratique, et bâillonner les revendications !
En revanche cette loi ne contient aucune mesure d’urgence sanitaire pour faire face à la crise :
rien pour fabriquer en urgence des stocks massifs de masques FFP2 et autres protections indispensables,
rien pour produire des médicaments qui commencent à manquer,
rien sur la réouverture des 75000 lits fermés en réanimation et en soins intensifs dans les hôpitaux ces 10 dernières années,
rien pour organiser le dépistage systématique par des tests,
rien concernant la contribution des hauts revenus et patrimoines à la solidarité nationale pour faire face à l’urgence,
rien pour remettre en cause le système économique actuel, le dumping social mondialisé, le risque écologique,
rien pour imposer une aide et une solidarité envers les pays les plus pauvres qui vont subir de plein fouet la pandémie,
rien pour prendre en charge dignement les plus démuni.e.s, ici et maintenant : sans logis, sans droits, sans papier…
Cette batterie de mesures, toutes plus inacceptables, dangereuses, liberticides, les unes que les autres, nous
amène à nous demander si ce gouvernement mène la guerre contre le coronavirus ou les salarié.e.s ?!?
Certains appellent de leurs voeux à « l’union sacrée » avec le gouvernement ou le Patronat.
Nous réaffirmons, pour notre part, que nous ne participerons à aucun dispositif qui viserait à de nouvelles
dégradations des droits des salarié.e.s, des retraité.e.s comme des jeunes.
Pour nous, organisations syndicales, l’urgence absolue est la protection des salarié.e.s et plus largement de la
population. La crise sanitaire et le désastre annoncé doivent servir de détonateur pour introduire dès
aujourd’hui des ruptures fortes dans les politiques publiques délétères menées ces dernières décennies.
Nos organisations sont pleinement engagées dans la construction des solidarités interprofessionnelles et
intergénérationnelles, pour faire face à l’urgence et préparer l’avenir.
Pour cela, nos organisations exigent :
la relocalisation des productions de biens indispensables et lorsqu’elles existent sur le territoire, la réquisition des secteurs économiques et logistiques, notamment pour fournir les matériels de protection (gants, gel, masques, sur-blouses), et de soins.
le gel du versement de tous les dividendes et du rachat d’actions spéculatives. A fortiori pour les entreprises qui ont bénéficié d’aides publiques et/ou du chômage partiel.
le contrôle des capitaux et l’interdiction des opérations les plus spéculatives, la taxation des transactions financières et des plus hauts revenus pour financer les premières mesures d’urgence qui s’imposent.
pour la santé, le social et le médico-social : le recrutement immédiat et sous statut de personnels supplémentaires et réouverture de toutes les places et les lits nécessaires, maintien des salaires et des rémunérations pour toutes les absences liées à la crise.
pour les entreprises et les services publics : la mise à l’arrêt de tous les secteurs non vitaux et non nécessaires pour casser la chaîne de propagation du coronavirus.
l’abrogation des lois et le retrait des projets des réformes antisociales : assurance chômage, loi de transformation de la Fonction publique, retraites par points…
le maintien intégral des salaires et revenus pour tou.te.s les salarié.e.s. L’indemnisation à 100% du
chômage partiel. L’interdiction des licenciements et des sanctions contre celles et ceux qui utilisent le droit de retrait.
l’exemption de travail, sans perte de salaire, pour tou.te.s les salarié.e.s « à risques ».
des mesures exceptionnelles pour garantir le maintien des revenus des précaires, des intermittent.e.s, les « uberisé.e.s ».
la réquisition des logements vides pour protéger tou.te.s les sans-logis, les migrant.e.s…
Le temps du bilan viendra.
Il y eut un avant « crise du coronavirus », et son défilé cadencé de mesures régressives à l’encontre de l’État social : protection sociale, services publics, droits des travailleur.e.s, et de l’État de droit : mesures exceptionnelles d’urgence, qui perdurent, répression et criminalisation de l’action collective…
Il y aura un après « crise du coronavirus ».
Nos organisations syndicales, pleinement engagées aujourd’hui pour faire face à l’urgence, y prendront toute leur place. Nous mettrons tout en oeuvre pour construire les alternatives nécessaires sur tous les fronts : social, économique, démocratique, écologique, féministe et internationaliste.
Pour bâtir une société plus juste, plus libre, plus solidaire !
Pau, le 5 avril 2020