Courrier intersyndical adressé à Mme la Préfète du 14 avril 2020
Bordeaux, le 14 avril 2020
A l’attention de Madame la Préfète de la Gironde
Madame la Préfète,
Les UD FO et CGT, Solidaires, la FSU, l’UNEF, l’UNL de la Gironde souhaitent vous alerter par cette lettre de la situation qui découle notamment de la « loi d’urgence sanitaire ». Nous vous rappelons que plusieurs de nos organisations départementales vous ont déjà écrit depuis le 18 mars et n’ont reçu à ce jour aucune réponse de votre part.
Nous refusons que la « loi d’urgence sanitaire » permette d’habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnances. Le gouvernement remet en cause, non seulement sur la durée de la crise sanitaire mais durablement, les droits des salarié.e.s, notamment en matière de congés payés, de réduction du temps de travail, de repos hebdomadaire ou de liberté de réunion. Pour nos organisations, ce texte est inacceptable. Nos organisations en demandent le retrait.
Ces ordonnances permettent aux employeurs de certaines entreprises d’imposer à leurs salarié.e.s des journées ou des nuits de 12 heures de travail et des semaines de 60 heures. Jours de RTT, compte épargne-temps, solde de congés à la guise de l’employeur. Ces ordonnances qui répètent à longueur d’alinéas « l’employeur peut imposer » sont faites pour répondre aux besoins du patronat, et non à la lutte contre le Covid-19, et peuvent aller jusqu’au 31 décembre 2020.
Et en même temps, dans les hôpitaux, y compris dans les services de soins, les EHPAD, les services à domicile et de nombreux secteurs, les salarié.e.s sont contraints de travailler sans les protections indispensables.
Nous dénonçons les contradictions insupportables du discours gouvernemental qui rend hommage aux « héros en blouses blanches » alors que le ministère de la Santé a fermé plus de 4 000 lits en un an, n’a jamais répondu aux revendications des salarié.e.s de la Santé dans les hôpitaux, dans les EHPAD dénonçant depuis des mois ce que la population subit aujourd’hui. Ce dont ont besoin ces personnels aujourd’hui, ce n’est pas d’une reconnaissance en « héros » mais bien des moyens nécessaires aux besoins de la population, ainsi que la revalorisation de leurs carrières par l’augmentation des salaires et le maintien
des droits collectifs actuels de retraite. Ce n’est pas le report de la « réforme » des retraites comme le gouvernement l’a annoncé, mais son retrait pur et simple. C’est le cas également pour la « réforme » de l’assurance chômage.
Nos organisations savent l’engagement et le courage exemplaires dont font preuve les salarié.e.s qui n’ont pas attendu les louanges du gouvernement et de Monsieur Macron pour tenter de mener à bien, et malgré leurs conditions de travail déplorables, leur mission de service public.
Nos organisations considèrent que le moyen le plus efficace pour stopper la catastrophe sanitaire annoncée, ce n’est pas seulement de respecter les gestes barrière. C’est aussi et surtout la nécessité :
‒ De doter tous les personnels soignants des moyens matériels indispensables à leur protection (masques FFP2, solutions hydroalcooliques, gants, lunettes de protection, surblouses). et des moyens matériels pour soigner les patients (respirateurs, molécules médicinales notamment). Pour rappel, en 2013 nous disposions d’1 milliard de masques chirurgicaux et 600 millions de masques FFP2. En 2020, nous avons moins de 140 millions de masques chirurgicaux
‒ le dépistage systématique et régulier de toute la population en priorisant les « personnes à risques », en particulier des résidents, personnels et intervenants au sein de tous les établissements d’Hébergement pour Personnes Agées dépendantes (EHPAD)
‒ De créer sans attendre les postes nécessaires à la prise en charge de tous les patients (ceux atteints du Covid-19 et les autres)
‒ De rouvrir immédiatement les 72 000 lits qui ont été supprimés depuis 15 ans.
Dans le secteur de l’aide à domicile, à La Poste, dans les transports, l’énergie, le gardiennage, sur les plateformes logistiques, dans les mairies, à l’accueil ou au service de ramassages des ordures, dans les commerces alimentaires, dans les écoles où enseignants et personnels municipaux gardent les enfants de soignants, les salarié.e.s continuent de travailler pour la plupart sans le matériel complet de protection pour assurer leur sécurité face à ce virus, mais aussi en décuplant le risque de propagation.
Nos organisations rappellent que le manque de « tout » est le résultat d’une politique de restrictions budgétaires depuis des dizaines d’années. Mais n’est-il pas nécessaire de réquisitionner tous les masques disponibles dans les secteurs d’activité non indispensables afin d’équiper ceux qui sont en première ligne ?
Depuis plus de trois semaines, les citoyens.nes de notre pays sont « confiné.e.s ». Un confinement qui ne se justifie aujourd’hui que parce que les services publics de santé ont subi des politiques publiques les mettant dans l’incapacité de protéger les populations. Ces mesures décrétées par le gouvernement s’accompagnent d’un discours pour le moins ambigu entre « Restez confinés » et « Allez travailler ».
Pour nos organisations, le maintien à grande échelle des activités industrielles non essentielles met en danger la santé de dizaines de milliers de salarié.e.s, de leurs proches, mais aussi des médecins et des soignant.e.s. Quand on va au travail, c’est pour gagner sa vie, pas pour la risquer ni pour la perdre ! Il sera toujours temps, après cette crise sanitaire et par la négociation collective, de discuter des conditions de la reprise de l’activité économique.
Nos organisations demandent la mise à l’arrêt des activités non indispensables.
Pour ne citer que ces exemples, en quoi la fabrication de boîtes de vitesse à GETRAG Blanquefort ou la reprise envisagée de tir de missiles essai en vol au CEL à Biscarosse sont-ils indispensables ?
C’est la raison pour laquelle il est nécessaire que les entreprises puissent avoir accès, sans restriction, au dispositif de chômage partiel et que les salarié.e.s voient leurs rémunérations maintenues à 100 %. Ainsi face à cette pandémie, nous demandons que soit déclaré l’Etat de catastrophe sanitaire afin de mettre à contribution, par exemple, les assurances et permettre le paiement du chômage partiel à 100%.
C’est dans cette situation que nos organisations soutiennent les salarié.e.s qui n’ont d’autre choix que d’invoquer le droit de retrait ou, en dernier ressort, le droit de grève pour obtenir les moyens de protéger leur santé.
Tout comme nos organisations exigent plus que jamais le respect des prérogatives syndicales. Les CSE et CHSCT doivent être convoqués tant que de besoin. Toutes les procédures de licenciement et d’entretien préalable doivent être stoppées.
Dans l’attente d’une réponse concrète à nos demandes et revendications dans les meilleurs délais, veuillez agréer, Madame la Préfète, nos salutations déterminées.